La vie d’avant n’est qu’un lourd souvenir

Ho! frustrations du quotidien, pourquoi es-tu si présente?
Hier fut la goutte de trop. Celle qui a débordé le vase — mon vase. Celui de la tolérance, de l’adaptation, de l’acceptation de ce nouveau monde auquel je ne me reconnais plus.

Je ne suis pas nostalgique du passé. Je suis simplement en deuil d’un minimum de décence.
D’un monde où on s’excusait encore, où on regardait les gens dans les yeux, où l’on savait vivre — avec les autres, pas contre eux.

La nouvelle vie : entre nonchalance, incompétence et manque de respect

Nous vivons une drôle d’époque. Une époque où l’on valorise davantage le paraître que le savoir-faire, où l’on excuse l’incompétence sous couvert de bienveillance, et où le respect – cette valeur fondamentale de toute société saine – semble relégué aux oubliettes. Bienvenue dans la nouvelle vie, celle qui, malgré ses allures modernes, s’effrite de l’intérieur.

Aujourd’hui, il devient presque risqué de vouloir faire les choses correctement. Si tu es compétent, structuré, rigoureux… tu déranges. Tu fais de l’ombre à ceux qui surfent sur la vague de la médiocrité assumée. Tu mets mal à l’aise ceux qui se sont confortablement installés dans la nonchalance, ceux pour qui tout est « correct », même lorsqu’on est clairement dans le tort.

Et pendant ce temps, certains – souvent les moins qualifiés, les plus bruyants ou les plus rusés – trouvent mille et une façons de te soutirer ton argent. Services bâclés, excuses bien rodées, hausse des prix injustifiées… tout est bon pour manipuler, culpabiliser ou détourner les règles du jeu. Pire encore : ceux qui pointent ces injustices passent pour les méchants, les exigeants, les « trop sérieux ».

Mais le plus alarmant dans tout ça, c’est ce manque de respect devenu monnaie courante. Les « bonjour », les réponses aux messages, les engagements tenus, le simple fait de regarder quelqu’un dans les yeux… disparaissent lentement. On parle sans écouter. On exige sans remercier. On empiète sur l’espace de l’autre sans même s’en rendre compte, comme si l’autre n’existait pas vraiment. Comme si vivre ensemble n’avait plus de sens.

Il est temps de se questionner. Est-ce cela, la nouvelle vie que nous voulons léguer aux générations futures ? Une vie où la compétence dérange, où l’honnêteté est naïve, où le respect devient une faiblesse ?

Moi, je dis non.

Je choisis encore l’exigence, la rigueur, la loyauté et le respect. Même si cela me marginalise. Même si cela me rend « différente ». Car au fond, ce sont ces valeurs qui bâtissent les vraies fondations d’une société forte et humaine.

Je suis de celles qui préfèrent rester chez elles plutôt que de devoir affronter l’indifférence ambiante. Non pas par misanthropie, mais par lucidité. Parce que, dans un monde où les interactions humaines sont devenues froides, floues ou intéressées, je sais que mon regard franc et ma parole directe risquent de heurter.

On me dit parfois que j’ai un air de supériorité. Ce n’est pas de l’orgueil. C’est simplement ma façon de vivre : avec conscience, avec cohérence. Dire bonjour avec un sourire, ce n’est pas un exploit. Tenir la porte à la personne qui s’approche, ce n’est pas héroïque. S’excuser quand on coupe involontairement le chemin à quelqu’un dans une allée d’épicerie, ce n’est pas une faiblesse. C’est le minimum. Ce sont ces petits gestes-là qui maintiennent en vie le tissu social.

Mais aujourd’hui, ces gestes sont devenus des anomalies. Trop souvent, ils sont accueillis par un silence, un regard vide, ou pire : un soupir d’agacement. Comme si le simple fait d’être poli dérangeait.

Je le vois partout.
Dans le regard vide de la caissière qui ne prend même plus la peine de lever les yeux, comme si elle aussi s’était résignée à n’être qu’un maillon dans la chaîne.
Dans les jeunes qui bousculent sans s’excuser, trop occupés à regarder leur téléphone pour remarquer qu’il y a d’autres humains autour d’eux.
Dans les conducteurs qui klaxonnent à la seconde près, incapables d’attendre que tu recules correctement dans un stationnement.
Dans les parents qui crient après leurs enfants en public sans même un regard pour les personnes autour, comme si élever un enfant était devenu un fardeau honteux.
Dans les services clients où tu as l’impression de déranger dès que tu demandes quelque chose de simple, comme si la politesse n’était plus dans leur formation.
Et dans ces commerces où l’on te tutoie sans te connaître, où l’on veut te vendre quelque chose à tout prix, sans jamais s’intéresser à ce que tu as vraiment besoin.

La nouvelle vie semble vouloir aller vite, consommer vite, parler vite et oublier encore plus vite. Mais dans cette course, elle oublie l’essentiel : l’élégance des rapports humains. L’attention portée à l’autre. La chaleur d’un geste simple. La reconnaissance du lien, même fugace, entre deux inconnus.

Et pendant ce temps, les gens comme moi — ceux et celles qui tiennent encore debout sur des valeurs solides — passent pour rigides, froids ou hautains. Parce que dire les choses, exiger un minimum, respecter les autres (et se respecter soi-même), c’est presque devenu suspect.

Alors on fait quoi maintenant ?
On continue à banaliser l’irrespect au nom du progrès ? On continue à tolérer l’incompétence sous prétexte de ne pas faire de vagues ? On accepte de se faire soutirer notre argent, notre temps, notre énergie, sans jamais rien dire, pour ne pas passer pour « intolérant » ou « vieux jeu » ?

Moi, je refuse.
Je refuse de baisser mes standards. Je refuse de me dissoudre dans cette mollesse sociale où plus rien n’est grave, plus rien n’est important, tant que ça ne dérange pas le confort de l’autre. Je refuse de m’excuser d’être droite, structurée, intègre. Car ce n’est pas de la rigidité, c’est de la clarté. Et cette clarté manque cruellement aujourd’hui.

Mais je ne veux pas juste dénoncer. Je veux aussi proposer.

Il est temps de réapprendre à vivre ensemble. Pas en se noyant dans des théories ou des slogans bien-pensants, mais en revenant aux fondamentaux :
Regarder quelqu’un dans les yeux. Dire bonjour. Écouter pour comprendre, pas pour répondre. Avoir de la tenue. De la parole. Du cœur.
Il est temps que l’éducation (familiale, scolaire, collective) réenseigne la beauté du respect. Non pas comme une règle, mais comme un mode de vie. Car tout part de là.

Nous avons besoin de gens solides, cohérents, éveillés. De ceux qui osent dire non, remettre en question, élever les standards. De ceux qui ne jouent pas à la vie, mais qui la vivent, avec intention et dignité.

Et si on commençait par ça ?

Même les gouvernements participent activement à cette normalisation de la nonchalance.
Les coupures à tous les niveaux sont devenues une rengaine : dans les hôpitaux, les écoles, les services sociaux, le logement, l’accès à la justice. On nous sert des promesses creuses pendant les campagnes électorales, puis le vide s’installe. Et au bout du fil, quand on appelle pour comprendre, pour obtenir de l’aide, pour faire valoir nos droits… on tombe sur un employé blasé, mal formé ou simplement désintéressé, qui nous raccroche au nez ou nous transfère d’un service à un autre jusqu’à ce qu’on abandonne.

Et on appelle ça un système?
Non. C’est un grand théâtre d’illusion où l’on distribue des rôles mal écrits à des acteurs épuisés, désabusés, maltraités… et nous, citoyens, devenus figurants malgré nous, on tente de survivre à cette mascarade administrative.

Ce n’est pas de la colère que j’ai. C’est une lucidité triste.
Triste de voir que la qualité, l’engagement, l’effort et le respect ne sont plus des piliers sociaux, mais des « extras » qu’on espère croiser par chance dans une journée. Triste de constater que l’humain ne se parle plus qu’en code : « ticket de service », « formulaire en ligne », « delais de traitement », « excusez, on ne peut rien faire ». Triste de voir que même ceux qui sont là pour servir… ne servent plus. Ils exécutent, à peine.

Combien de personnes sont mortes dans les hôpitaux, ou même dans le stationnement, faute de soins ?
Combien ont attendu, seul·es, en détresse, dans un corridor, pendant qu’une infirmière au triage, exténuée de son seizième heure de travail, tentait de garder les yeux ouverts ? Pendant qu’un médecin trop occupé à raconter son voyage à Bali oubliait que la vie, ici, ne prend pas de pause.

Je le sais. Je l’ai vécu.
Janvier 2025.
J’étais hospitalisée. En détresse respiratoire. Et on m’a menacée de me débrancher de mon oxygène et de me retourner chez moi, comme si j’étais une nuisance de trop dans leur agenda surchargé. Ce jour-là, j’ai compris qu’il ne s’agissait plus de soins, mais de gestion de flux humain. On trie. On expédie. On survit, tant bien que mal, dans un système qui fonctionne à l’envers.

Et ce que j’ai vécu, des dizaines d’autres me l’ont confié.
Des proches. Des inconnus. Des survivants du système.
Allez lire les reviews sur la page de l’IVAC (Indemnisation des victimes d’actes criminels). C’est un cimetière numérique de souffrances non reconnues, d’abandons bureaucratiques, de cris étouffés dans les formulaires.

On dit que l’empathie est une valeur du système de santé. Mais que vaut une valeur sans porteur ? Que vaut une promesse si elle n’est jamais tenue ?

Alors on fait quoi maintenant ?
On continue de tout justifier au nom du manque de personnel, du manque de budget, du manque de temps ?
Et nous, peuple patient, peuple silencieux, on continue de tout absorber comme des éponges — la médiocrité, l’irrespect, les injustices — jusqu’à en pourrir de l’intérieur ?

À force d’encaisser, on se vide.
On perd foi.
Foi en l’autre. Foi en le système. Foi en notre propre dignité.
On s’excuse de déranger. On attend. On accepte des traitements inhumains en se disant : « C’est comme ça aujourd’hui ». Mais non. Ce n’est pas comme ça. C’est devenu comme ça. Et c’est là toute la nuance.

La normalisation de l’inhumain, voilà le vrai danger.
Quand être traité avec respect devient l’exception.
Quand demander de l’aide, c’est être vu comme un poids.
Quand faire un dépôt à l’IVAC ou dans un autre organisme d’aide, c’est devoir supplier, prouver, se justifier, parfois pendant des mois, pour quelques centaines de dollars, pendant que les vrais responsables dorment bien au chaud, protégés par l’épaisse couverture de l’indifférence institutionnelle.

On n’est pas tous déconnectés.
Il y a encore des gens vrais. Des professionnels qui tiennent debout malgré l’absurde. Des citoyens qui, comme moi, ne peuvent plus se taire.

Mais le silence collectif fait bien trop de bruit.
Il est temps que l’on se réveille. Que l’on questionne. Que l’on dérange. Parce qu’à ce rythme-là, ce n’est plus seulement notre santé qu’on met en jeu, c’est notre humanité.

Je n’écris pas pour me plaindre.
J’écris parce que je refuse de taire l’inacceptable.
Parce qu’un jour, c’est moi qu’on a voulu renvoyer chez moi sans oxygène. Demain, ce sera peut-être toi, ta mère, ton enfant.
On ne peut pas appeler ça une société évoluée quand la souffrance devient une statistique et l’indifférence, une norme.

Je n’ai pas de solution miracle.
Mais j’ai une voix. Et tant qu’elle portera, je l’utiliserai pour dire ce que beaucoup pensent tout bas.
Il est temps de choisir entre le confort du silence et l’inconfort salutaire du réveil collectif.

2 réflexions sur “La vie d’avant n’est qu’un lourd souvenir”

    1. « La vie d’avant avait ses défauts, mais au moins, on se regardait dans les yeux. On disait bonjour, on tenait la porte. Aujourd’hui, tout va vite, trop vite. Moi, je reste une femme d’avant, debout dans un monde qui oublie. »
      — Léa

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