Quand on change d’adresse, c’est souvent notre âme qui déménage aussi
On croit parfois qu’en changeant d’adresse, on tourne la page.
Mais la vérité, c’est que le passé fait toujours partie du voyage — il se cache dans les valises invisibles, celles qu’aucun déménageur ne transporte, mais qu’on traîne malgré soi.
Ce n’est pas le passé qui disparaît.
C’est notre façon de le regarder qui se transforme.
Même si j’ai quitté un milieu qui ne convenait plus à mes besoins, je réalise qu’un nouveau départ ne se vit pas en une journée. Il faut se parler sans cesse, se rappeler que quelque chose de meilleur est en route, même si pour l’instant, tout semble encore flou.
Oui, l’emplacement compte. Un environnement sain peut apaiser le tumulte intérieur. Mais ce qui compte encore plus, c’est la reconstruction invisible — celle de l’estime, de la confiance, de la foi en soi.
C’est une étape cruciale au début de tout cheminement : apprendre à se dire qu’on mérite la paix, qu’on a le droit d’être heureux ailleurs, et surtout autrement.
Le décor change, les murs sont différents, mais la vraie transformation commence à l’intérieur.
Et chaque fois que je me parle avec douceur, je sens que cette nouvelle vie s’approche, pas à pas.
Ces derniers mois, j’ai compris que le corps aussi a besoin de déménager.
Qu’on ne peut pas espérer un renouveau intérieur sans lui offrir du repos, du vrai.
Le sommeil, le calme, la lenteur… tout cela devient un remède discret, mais essentiel.
Mon alimentation est restée irréprochable — c’est ma façon à moi de prendre soin, de garder une forme d’équilibre, même quand tout bouge autour.
Mais j’ai dû faire un choix : mettre le gym sur pause.
Non pas par paresse, mais par écoute.
Mon corps ne voulait plus la performance, il voulait la joie.
Alors je l’ai remplacé par des cours de danse country, ces moments où l’on rit, où l’on apprend à suivre le rythme sans se juger.
C’est une autre forme de mouvement : plus libre, plus vivant, plus humain.
Dans ce processus de reconstruction, je réalise que la bienveillance envers soi-même n’est pas une option — c’est une nécessité.
Être douce avec moi. Me laisser le droit d’être fatiguée. De ne pas tout comprendre. De juste être là, présente, entre un passé que j’apprivoise et un futur qui m’attend.
Il y a des jours où je me sens forte, d’autres où je doute encore.
Mais à travers tout cela, je sens poindre une paix nouvelle — timide, fragile, mais bien réelle.
Peu à peu, je sens que quelque chose s’installe.
Pas un grand bonheur éclatant, non — plutôt une forme de paix qui s’insinue doucement, entre deux respirations.
J’apprends à vivre ici, à créer de nouveaux repères.
J’ai repris mon anglais, un peu chaque jour, comme un jeu, comme une façon de garder mon esprit curieux et vivant.
Je me rends compte que même dans le silence, on peut continuer d’évoluer, de s’élargir, de se transformer.
Je rencontre des gens, mais à petite dose.
Je ne cherche plus à remplir mes journées à tout prix, ni à combler chaque vide.
La solitude tourne encore autour de moi — parfois comme une ombre, parfois comme une amie.
Et c’est correct.
Parce qu’elle m’enseigne la patience.
Elle m’aide à m’écouter.
Elle me rappelle que la reconstruction ne se fait pas dans le bruit, mais dans le calme.
Chaque marche, chaque conversation, chaque matin où je me lève avec l’envie de continuer… tout cela fait partie du processus.
Gatineau devient tranquillement ce que j’avais besoin qu’elle soit : un espace pour respirer, me réinventer, et me redonner la main.
Ce que je me suis aussi rendu compte, c’est que beaucoup de gens ici sont gentils, oui, mais d’une gentillesse de surface.
On se salue, on sourit, on échange quelques mots… mais rarement on se rencontre vraiment.
Cela me sort de ma zone de confort.
Moi qui ai toujours cherché la profondeur, la sincérité, le vrai.
Malgré mes expériences, mes connaissances et mes diplômes, je me sens parfois en décalage avec le mode de vie des gens de la ville.
Tout va vite, tout semble tourner autour de l’apparence, de la réussite visible.
Et moi, au milieu de tout ça, je me sens presque ignorante — pas dans le sens du savoir, mais dans celui de ne pas savoir jouer le même jeu.
Ce n’est pas du jugement, c’est un constat.
Peut-être que je n’adhérerai jamais complètement à ce phénomène.
Peut-être que ma richesse, à moi, se trouve ailleurs — dans le calme, dans la bienveillance, dans la vérité des petites choses.
Et c’est correct aussi.
Certains soirs, je me demande encore si j’ai bien fait.
Si ce changement d’adresse n’était pas une fuite déguisée, ou une illusion de renouveau.
Il y a des moments où le silence de mon appartement me pèse, où la solitude semble plus grande que mes rêves.
Et puis, il y a d’autres matins.
Des matins clairs, paisibles, où la lumière s’étend doucement sur les murs, et où je sens que je suis exactement là où je devais être — même si je ne comprends pas encore pourquoi.
Le doute fait partie du chemin.
Il m’oblige à me redéfinir, à chercher la vérité sous les apparences, à me rapprocher de ce qui compte vraiment.
Peut-être que la vie, finalement, ce n’est pas de tout savoir, mais d’accepter d’apprendre encore.
J’avance lentement, sans certitude, mais avec espoir.
Et c’est peut-être ça, le vrai courage :
continuer d’y croire, même quand rien n’est encore clair.